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d’affirmer que les choses existent parce qu’on veut qu’elles soient ? L’art d’agréer, qui flatte la malice de la concupiscence, est la perversion de l’art de démontrer. Mais c’est la dernière ressource de la lumière naturelle qu’elle fasse servir l’aveu de son impuissance à triompher de celte impuissance même. Elle renonce à l’affirmation de l’intelligible ; mais peut-être fallait-il que le foyer fût éteint pour qu’apparût enfin le reflet d’une lueur qui est le pressentiment d’une clarté supérieure. Ou, pour parler avec le philosophe contemporain de Pascal qui a décrit la même angoisse, l’homme se sent envahi par une paralysie mortelle, il soulève le bras dans un effort suprême pour tenter la chance de l’unique remède[1].

L’argument du pari marque avec précision la limite de l’effort humain vers la vérité. Or, s’il y a un ordre supérieur et contraire à l’ordre de la spéculation pure, cette limite peut se trouver en même temps un point de départ. L’argument du pari, que la logique des contraires pose comme une limite théorique, ne va-t-il pas devenir un point de départ pour la pratique ? Et en effet ce serait l’interpréter à contre sens que d’y terminer la vie religieuse et morale suivant Pascal ; car ce qui serait inconcevable, c’est l’état de l’homme qui subjugué par la force apparente de la démonstration se serait engagé à parier, et qui n’aurait pour soutien de sa foi que l’intérêt évident de cet engagement. Il est impossible de comprendre comment ii pourrait supputer les avantages de sa détermination, sans y apercevoir autant de

  1. « Videbam enim me in summo versari periculo, et mecogi reme dium, quamvis incertuin, summis viribus quœrere : veluti aeger letliali raorbo iaborans qui ubi mortem certain praevidet ni adhibeatur reine dium, illud ipsum, quamvis incertain, summis viribus eogïtur quaerere, nempe in co tota e ; us spes est sita. » (Spinoza, De Iniellcclus Emen datione Tractatus, § 2.)