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neuse lorsqu’il décrit la gradation qui monte du peuple aux demi-habiles, aux habiles, puis aux dévots, et enfin aux chrétiens parfaits : « Ainsi se vont les opinions succédant du pour au contre[1]. Renversement continuel du pour au contre[2]. »

C’est donc une méprise que d’enfermer Pascal dans le cercle du Credo qua absurdum. Pascal a brisé les cadres du rationalisme ; mais ce qui dépasse encore la raison est encore à certains égards une logique : logique des contraires, comme la logique de Hegel, mais qui, n’accordant pas la relativité des contradictoires, met entre les différents degrés de la dialectique une essentielle hétérogénéité. Une telle logique renverse le rapport direct que d’ordinaire les philosophes établissent entre la faculté de connaître et la vérité : par l’expérience et par le raisonnement nous nous assurerons seulement de ce qui n’est pas la vérité, et nous saurons que pour avoir quelque chance de l’atteindre, nous devons retourner l’attitude normale de la raison, chercher dans une direction opposée à celle que notre nature aurait prise si elle avait encore son intégrité et son autonomie.

Subordonné à cette conception maîtresse, l’argument du pari[3] prend une portée nouvelle. Il n’est pas conforme à la raison commune des hommes ; car il est contraire à cette raison que l’attention se détourne du contenu propre des choses et de leur vérité intrinsèque, pour n’envisager que leur rapport à nos désirs et à notre satisfaction. N’est-ce pas le plus grand dérèglement, répète-t-on après Bossuet,

  1. Fr. 337.
  2. Fr. 328.
  3. Pour l’interprétation de l’argument envisagé en soi, voir les notes et l’appendice du fr. 233.