Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/130

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il faut, non le convaincre, mais le flatter ; c’est l’attrait du plaisir qui entraîne l’adhésion, l’art d’ « agréer » consiste à chercher ce qu’il y a d’aimable dans les choses et à les faire regarder du côté où elles peuvent plaire. Or de la même façon les vérités divines doivent entrer « du cœur dans l’esprit, et non pas de l’esprit dans le cœur… En quoi il paraît que Dieu a établi cet ordre surnaturel, et tout contraire à l’ordre qui devait être naturel aux hommes dans les choses naturelles[1] ».

Ainsi trois ordres de connaissance se superposent chez Pascal : imagination, raison, sentiment, et sa philosophie semble à cet égard toute proche de la doctrine de Spinoza. En fait le rapprochement fait éclater le contraste. Pour Spinoza l’homme est naturellement esprit, et il lui appartient d’atteindre la vérité par le seul développement de son activité interne ; de l’imagination à la raison, et de la raison raisonnante à la raison intuitive il se fait un progrès continu, à l’intérieur d’une même pensée. Pour Pascal les trois ordres de connaissance se superposent, non en se complétant, mais en se contredisant ; ils attestent dans l’homme une diversité incompatible avec l’unité de l’essence spirituelle, ils portent la trace des révolutions qui ont bouleversé la nature originelle de l’homme : la déchéance du péché qui a soumis l’esprit au corps, le salut par la rédemption qui loin de rendre l’homme à lui même et de lui donner l’autonomie de sa vie intellectuelle l’humilie devant la vérité qu’il doit subir, devant l’être qui consent à s’unira lui, sans que par aucun effort qui lui soit propre il ait mérité de le connaître. Telle est la pensée fondamentale dont Pascal donne la formule lumi-

  1. De l’art de persuader.