La superstition des genres littéraires avait entraîné l’assimilation des fragments posthumes de l’Apologie aux Maximes détachées de La Rochefoucauld ou de la Bruyère, et Pascal a été longtemps rangé parmi les moralistes. La superstition des règles scolastiques a souvent empêché Pascal d’être considéré comme un philosophe. Sans doute, si nous nous réservons de définir la philosophie par une certaine méthode rationnelle et positive de démonstration, nous nous autorisons à nier que Pascal soit un philosophe ; mais de quel droit astreindre Pascal à des conventions qui viennent de nous, et qui ne regardent que nous ? La philosophie veut être, selon la formule de Leibniz, un enchaînement de vérités. Tout homme est philosophe qui a su dominer, et ramener à l’unité, l’en semble de ses conceptions scientifiques, psychologiques, sociales et religieuses. Pascal a-t-il parcouru, par un progrès de pensée dont il a déterminé les étapes, l’intervalle qui sépare l’expérience du Puy-de-Dôme et le miracle de la Sainte-Épine ? a-t-il relié l’une à l’autre, pour en faire l’objet d’une même synthèse, la conduite de l’homme dans le monde et la conduite de Dieu vis-à-vis de son Église ? A-t-il, en un mot, conçu dans son intégralité le monde intellectuel ? S’il l’a fait, il y a lieu de décrire le
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