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Raymond Martin demeure complètement étrangère à l’esprit de Pascal. Sa polémique contre Aristote, contre les Stoïciens, contre les Turcs, contre les hérétiques ne le touche point ; il ne s’occupe que du débat avec les rabbins juifs, encore se soucie-t-il moins de la thèse posée par l’auteur que des arguments auxquels il répond. Le livre de Raymond Martin est pour Pascal comme un manuel d’exégèse juive ; les interprétations des Rabbins y sont recueillies dans le texte original. Pascal se fait un devoir de les dépouiller et de les discuter, comme il avait fait au moment des Provinciales pour les écrits des casuistes. C’est dans cet esprit que Raymond Martin avait lui-même écrit dans le Pugio Fidei : « Hinc igitur animadverte, lector, quam sit utile fidei christianae litteras non ignorare hebraïcas. Quis enim unquam nisi ex suo Talmud sua posset in eos pro nobis jacula contorquere ? » (p. 358). C’est dans cet esprit que Bosquet, évêque de Lodève, avait imprimé en 1651 le manuscrit de Raymond Martin ; et que Joseph de Voisin avait rédigé une savante préface qui formait à elle seule tout un livre et qui a paru à part dès 1650 sous ce titre : De Lege Divina. Cette préface, dit dom Clemencet[1], est un tableau des « connaissances préliminaires qu’il est nécessaire d’avoir à l’esprit pour bien entendre la doctrine des anciens Hébreux ». Pascal s’y réfère naturellement pour débrouiller le chaos des antiquités juives ; nous trouvons dans ses papiers des listes de commentateurs juifs, et les calculs qu’il fait pour traduire en fonction de l’ère chrétienne les dates que de Voisin rapporte à la

  1. Il est à remarquer que dans son Histoire littéraire (inédite) de Port-Royal, dom Clémencet fait une place à de Voisin parmi les écrivains jansénistes. On voit ainsi comment l’attention de Pascal fut attirée sur le Pugio Fidei.