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Et c’est pourquoy on dit indifféremment ou que le libre arbitre s’y porte de soy-mesme par le moyen de cette grâce, parce qu’en effet il s’y porte, ou que cette grâce y porte le libre arbitre, parce que toutes les fois qu’elle est donnée, le libre arbitre s’y porte infailliblement.

Et ceux à qui il plaist à Dieu de la donner jusqu’à la fin persévèrent infailliblement dans cette préférence, et ainsi choisissans jusqu’à la mort par leur propre volonté d’accomplir la loy plutost que de la violer, parce qu’ils y sentent plus de satisfaction, ils meritent la gloire et par le secours de cette grâce qui a surmonté la concupiscence, et par leur propre choix et le mouvement de leur libre arbitre qui s’y est porté de soy-mesme volontairement et librement.

Et tous ceux à qui cette grâce n’est pas donnée, ou n’est pas donnée jusqu’à la fin demeurent tellement chatouillés et charmés par leur concupiscence, qu’ils aiment mieux infailliblement pecher que ne pecher pas, par cette raison qu’ils y trouvent plus de satisfaction.

Et ainsi, mourans en leurs péchez, meritent la mort éternelle, puis qu’ils ont choisi le mal par leur propre et libre volonté.

De sorte que les hommes sont sauvés ou damnés, suivant qu’il a pleu à Dieu de les choisir pour leur donner cette grâce dans la masse corrompuë des hommes, dans laquelle il pouvoit avec justice les abandonner tous,