Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/146

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C’est ainsi que St Paul dit[1] : Je vis, non pas moy, mais Jesus-Christ vit en moy. Certainement le premier mot qu’il a dit : Je vis, n’est pas faux, car il estoit vivant, et non seulement de la vie corporelle (dont il ne s’agit pas en cet endroit) mais de la vie spirituelle, car il estoit en grâce, et il dit ailleurs luy-mesme[2] en plusieurs endroits : Nous estions morts, et nous sommes vivifiez, etc. Mais encore qu’il soit très vray qu’il fust vivant, il le désavouë incontinent, en disant : Je ne suis pas vivant, Non ego vivo.

L’Apostre n’est point menteur ; il est donc vray qu’il est vivant, puisqu’il dit : Je suis vivant ; Il est donc aussi véritable qu’il n’est pas vivant, puisqu’il dit : Jam non ego, je ne suis point vivant : Et ces deux veritez subsistent ensemble, parce que sa vie, quoy qu’elle luy soit propre, ne vient pas originellement de Luy. Il n’est vivant que par Jesus-Christ, la vie de Jesus-Christ est la source de sa vie. Ainsi il est vray en un sens qu’il est vivant, puisqu’il a la vie ; il est vray aussi en un sens qu’il n’est pas vivant, puisqu’il ne l’est que de la vie d’un autre ; Mais il est vray que Jesus-Christ est vivant ; et on ne peut pas dire qu’il ne l’est pas.

C’est ainsi que Jesus-Christ dit Luy-mesme[3] : Ce n’est pas moy qui fais les œuvres, mais le Père qui est en moy, et néanmoins il dit ailleurs : Les œuvres que

  1. Galat. II, 20.
  2. Ephes. II, 5.
  3. Joan. XIV, 10 et 36. — Annotation indiquée en marge du manuscrit sous une forme figurée : « J.-C. ne veut pas estre principe, et vous le voulez estre. »