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214 ŒUVRES

nullitez, ce défaut essentiel d'estre faite par le Pape seul la rend incapable d'y estre admise ^

Il est donc constant, Monsieur, qu'il n'y eut jamais de Bulle moins recevable que celle-cy, puisqu'on la devroit rejetter à cause de ses nullitez, quand on n'en voudroit point faire de mauvais usage ; et qu'on la devroit encore rejetter à cause du mauvais usage qu'on médite d'en faire, quand elle n'auroit point de nullitez. Que sera-ce donc si on en considère tout ensemble et les nullitez et l'usage? N'est-il pas visible que si celle cy passe, il n'y en aura point qu'on ne soit obligé d'admettre, et qu'ainsi nous voilà exposez à toutes celles qui pourront arriver de Rome ; ce qui n'est pas d'une petite conséquence. Car on peut juger de ce qui en peut venir par ce qui en est déjà venu. Ne voyez-vous pas qu'on ne tasche qu'à multiplier les Bulles, afin que ce soient autant de titres de l'infaillibilité, qui en a besoin, et que le monde s'accoutume peu à peu à y adjouter une créance aveugle. Quand ils se seront ainsi rendus maistres de l'esprit des peuples, ce sera en vain que les Parlemens s'opposeront aux entreprises de Rome sur la puissance temporelle de nos Rois. Leur opposition ne passera que pour un effet de politique, et non pas pour une décharge de conscience. On les fera passer eux-mesmes pour hérétiques, quand il plaira à Rome : car le moyen de faire croire qu'une autorité infaillible se soit trompée ? De sorte qu'après les Bulles de Boniface VIII. et de ses semblables, il n'y a point de différence entre dire que le Pape est infaillible, et dire que nous sommes ses sujets.

Vous voyez par tout cela. Monsieur, et combien cette Bulle est dangereuse par la fin où l'on veut la faire servir,

��I. Cf. le Mémoire cité supra p. 190. La même discussion se re- trouve dans le Mémoire dressé pour le Parlement en avril 1657.

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