Il est donc seür, mon Pere, que la grace efficace
n'a point esté condamnée¹. Aussi est-elle si
puissamment soutenuë par S. Augustin, par S. Thomas
et toute son Ecole, par tant de Papes et de
Conciles, et par toute la Tradition, que ce seroit une
impieté de la taxer d'heresie. Or tous ceux que vous
traitez d'heretiques declarent qu'ils ne trouvent autre
chose dans Jansenius que cette doctrine de la grace
efficace. Et c'est la seule chose qu'ils ont
soutenuë dans Rome. Vous-mesmes l'avez reconnu Cavil. p.35².
où vous avez declaré, qu'en parlant devant le Pape ils ne
dirent aucun mot des Propositions, ne verbum quidem :
et qu'ils employerent tout le temps à parler de la grace
efficace. Et ainsi soit qu'ils se trompent ou non dans
cette supposition, il est au moins sans doute que le
sens qu'ils supposent n'est point heretique, et que
par consequent ils ne le sont point. Car pour dire
la chose en deux mots, ou Jansenius n'a enseigné
que la grace efficace, et en ce cas il n'a point
d'erreurs : ou il a enseigné autre chose, et en ce cas il
n'a point de defenseurs ³. Toute la question est donc
de sçavoir si Jansenius a enseigné en effet autre chose
que la grace efficace ; et si l'on trouve que oüy,
vous aurez la gloire de l'avoir mieux entendu ; mais
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1. W. ne minimùm quidem Romæ attentatam fuisse.
2. Cf. la citation d'Annat supra p. 339. Les mots ne verbum quidem ne sont pas dans le texte. Nicole utilise ce même argument dans sa première Disquisition, cf. supra p. 335 sq.
3. Cf. Pensées, fr. 929, T. III, p. 370 : « Ou cela est dans Jansenius, ou non. Si cela y est, le voylà condamné en cela : sinon, pourquoy le voulez vous faire condamner ? »