crimes incroyables dont vous accusez vos ennemis,
ou de vous tenir pour des imposteurs, ce qui leur
paroist aussi incroyable. Quoy, disent-ils, si ces
choses-là n'estoient, des Religieux les
publieroient-ils, et voudroient-ils renoncer à leur conscience, et se damner par ces calomnies ? Voilà la maniere dont
ils raisonnent : et ainsi les preuves visibles par
lesquelles on ruïne vos faussetez, rencontrant l'opinion
qu'ils ont de vostre sincerité, leur esprit demeure
en suspens entre l'evidence de la verité qu'ils ne peuvent
dementir, et le devoir de la charité qu'ils apprehendent
de blesser. De sorte que comme la seule
chose qui les empesche de rejetter vos médisances,
est l'estime qu'ils ont de vous ; si on leur fait
entendre que vous n'avez pas de la calomnie l'idée
qu'ils s'imaginent¹, et que vous croyez² faire vostre
salut en calomniant vos ennemis, il est sans doute
que le poids de la verité les determinera incontinent
à ne plus croire vos impostures ³. Ce sera donc, mes
Peres, le sujet de cette Lettre. Je ne feray pas voir
seulement que vos écrits sont remplis de calomnies,
je veux passer plus avant. On peut bien dire des
choses fausses en les croyant veritables ; mais la qualité
de menteur enferme l'intention de mentir. Je
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1. B. [que vous en avez].
2. B. [pouvoir] faire.
3. Cf. la note prise alors par Pascal (Pensées, fr. 921, T. III, p. 345) et en particulier cette phrase : « Je vous dis que vous estes des imposteurs. Je vous le prouve ; et que vous ne le cachez pas, et que vous l'authorisez insolemment. Brisacier, Meynier, d'Alby. Elidere. » Voir un développement analogue d'Arnauld, supra p. 170 sqq.