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QUATORZIÈME PROVINCIALE

faire mourir quelques personnes. Et quand on tuë en ces cas là, ce n’est pas l’homme qui tuë, mais Dieu, dont l’homme n’est que l’instrument, comme une espée entre les mains de celuy qui s’en sert. Mais si on excepte ces cas, quiconque tuë se rend coupable d’homicide.

Il est donc certain, mes Peres, que Dieu seul a le droit d’oster la vie, et que neanmoins ayant estably des loix pour faire mourir les criminels, il a rendu les Rois ou les Republiques depositaires de ce pouvoir. Et c’est ce que S. Paul nous apprend, lorsque parlant du droit que les Souverains ont de faire mourir les hommes, il le fait descendre du ciel, en disant[1] : Que ce n’est pas en vain qu’ils portent l’espée, parce qu’ils sont Ministres de Dieu, pour executer ses vangeances contre les coûpables.

Mais comme c’est Dieu qui leur a donné ce droit, il les oblige à l’exercer ainsi qu’il le feroit luy-mesme, c’est à dire avec justice, selon cette parole de S. Paul au mesme lieu : Les Princes ne sont pas establis pour se rendre terribles aux bons, mais aux méchans. Qui veut n’avoir point sujet de redouter leur puissance, n’a qu’à bien faire : car ils sont Ministres de Dieu pour le bien. Et cette restriction rabaisse si peu leur puissance, qu’elle la releve au contraire beaucoup davantage ; parce que c’est la rendre sem-

  1. Paul. Rom. XIII, 3-4 : Nam principes non sunt timori boni operis, sed mali. Vis autem, non timere polestatem ? Bonum fac : et habebis laudem ex illâ. Dei enim minister est tibi in bonum. Si autem malum feceris, time : non enim sine causa gladium portat. Dei enim minister est : vindex in iram ei, qui malum agit. — Sur le droit de l’épée, cf. Pensées, fr. 878, T. III, p. 316.