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132 ŒUVRES

de la vie de son frere. Quiconque versera le sang humain, son sang sera répandu ; parceque l’homme est creé à limage de Dieu.

Cette defense generale oste aux hommes tout pouvoir sur la vie des hommes. Et Dieu se l’est tellement reservé à luy seul, que selon la verité Chrestienne, opposée en cela aux fausses maximes du paganisme, l’homme n’a pas mesme pouvoir sur sa propre vie. Mais par ce qu’il a plû à sa providence de conserver les societez des hommes, et de punir les méchans qui les troublent, il a estably luy-mesme des loix pour oster la vie aux criminels : et ainsi ces meurtres, qui seroient des attentats punissables sans son ordre, deviennent des punitions loüables par son ordre, hors duquel il n’y a rien que d’injuste. C’est ce que S. Augustin a representé admirablement au l. 1. de la Cité de Dieu ch. 21¹. Dieu, dit-il, a fait luy-mesme quelques exceptions à cette defense generale de tuer, soit par les loix qu’il a establies pour faire mourir les criminels, soit par les ordres particuliers qu’il a donnez quelquesfois pour

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1. « De interfectionibus hominum, quæ ab homicidii crimine excipiuntur : Quasdam verb exceptiones eadem ipsa divina fecit auctoritas, ni non liceat hominem occidi. Sed his exceptis, quos Deus occidi jubet, sive data lege, sive ad personam pro tempore expressa jussione (Non autem ipse occidit, qui ministerium debet jubenti, sicut adminiculum gladius utenti : Et ideo nequaquam contra hoc præceptum fecerunt quo dictum est: Non occides, qui Deo auctore bella gesserunt, aut personam gerentes publicæ potestatis secundùm ejus leges, hoc est, justissimæ rationis imperiurn, sceleratos morte punierunt [exemples d’Abraham, de Jephté et de Samson]. His igitur exceptis, quos vel lex justa generaliter vel ipse fons justitiæ Deus specialiter occidi jubet, quisquis hominum vel se ipsum vel quemlibet occiderit, homicidii crimine innectitur. »