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36 ŒUVRES

quelque tempérament à ce que vous dites. Aprenez bien cecy. Voicy nostre methode, où vous verrez le progrez d’une opinion nouvelle depuis sa naissance jusqu’à sa maturité.

D’abord le Docteur grave qui l’a inventée l’expose au monde, et la jette comme une semence pour prendre racine. Elle est encore foible en cét estat; mais il faut que le temps la meurisse peu à peu. Et c’est pourquoy Diana qui en a introduit plusieurs, dit en un endroit : J’avance cette opinion, mais parce quelle est nouvelle ; je la laisse meurir au temps ; relinquo tempori maturandam 1. Ainsi en peu d’années on la voit insensiblement s’affermir, et apres un temps considérable, elle se trouve autorisée par la tacite approbation de l’Eglise, selon cette grande maxime du Pere Bauny 2 : Qu’une opinion estant avancée par quelques Casuites, et l’Eglise ne s’y estant point opposée; c’est un témoignage qu’elle l’approuve. Et c’est en effet par ce principe qu’il autorise un de ses sentimens dans son traité 6. p. 312. Et quoy, luy dis-je, mon Pere, l’Eglise à ce compte-là approuveroit donc tous les abus qu’elle souffre, et toutes les erreurs des livres qu’elle ne censure point . Disputez, me dit-il, contre le P. Bauny. Je vous fais un recit, et vous contestez contre moy. Il ne faut jamais disputer sur 3 le fait. Je vous disois donc que quand le temps a ainsi meuri une opinion,

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1. Nous n’avons pu retrouver cette citation dans Diana.

2. Cf. ce texte de Bauny, supra p. 14.

3. B. [un].