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398 ŒUVRES

perer qu’il veut recevoir ma penitence. Les Chirurgiens estoient surpris de voir qu’elle marquast un air de jubilation quand ils venoient pour la panser de maux tres douloureux. Elle est morte dans ces sentimens après une terrible operation.

M. de la Feuillade prit d’abord le nom de duc de Rouannez, mais un ou deux ans après, il fut envoyé pour commander en Candie et demanda permission au Roy de prendre le nom de duc de la Feuillade, parce qu’il avait fait peur aux Turcs sous ce nom là en Hongrie. Le Roy le luy permit, et depuis il l’a gardé. M. de Rouannez de son côté a eu beaucoup de peine de ce mariage, parce que M. de la Feuillade qui s’estoit chargé de payer les dettes ne les payant point, les creanciers revenoient sur les terres qu’il s’estoit reservées, en sorte qu’il a passé le reste de ses jours fatigué d’affaires et de dettes. Mais il fut tousjours rempli de religion et de pieté, mesme d’une pieté tendre, que l’on remarquoit dans toutes ses paroles et ses actions.

B. — Extrait d’une lettre de Mademoiselle de Rouannez à l’abbesse de N. D. de Soissons, sa grand’ tante ¹.

21 (?) Juillet 1657.

...Je n’avois presque jamais eu de pensées pour la Religion, et je n’en avois jamais eu aucune pour la maison de Port-Royal, lorsque ma mere m’y mena l’année passée, il y aura un an le premier vendredy du mois qui vient. Elle y alloit faire ses devotions comme l’on y va ce jour-là. Ce fut là, Madame, que Dieu me fit la grace de me donner une si forte envie de quitter le monde et d’entrer dans cette maison, que je l’aurois fait à l’heure mesme si j’eusse pensé qu’on m’y eust voulu recevoir. J’en parlay quelque temps apres

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1. Cette lettre et la suivante se trouvent in-extenso dans les Mémoires d’Hermant, T. III, p. 510 et 514. La Mère Angélique, dans ses lettres à Le Maître des 9 et 14 août 1657, parle de la copie que l’on fait de ces pièces, et exprime le désir que le duc de Rouannez n’écrive rien de cette histoire.