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LETTRES DE PASCAL A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ 397

pas de bien. Enfin on proposa M. le marquis de Cœuvres fils de M. le marechal d’Estrées. M. de Rouannez le manda à M. Perier en Auvergne et le pria de luy donner cette marque d’amitié de venir à Paris pour regler toutes ses affaires, n’ayant de confiance qu’en luy. M. Perier y alla. Cela se rompit avec M, de Cœuvres, et comme on voïoit qu’elle estoit absolument resolue de se marier, et que mesme apparemment elle avoit une dispense de ses vœux, M. de la Vieuville tout d’un coup s’avisa de dire : il luy faut un duc et pair ; il n’y en a pas à marier ; il faut penser à M. de La Feuillade ; le Roy l’aime ; il fera revivre le duché sur sa teste. Cette proposition fut du gout de Mademoiselle de Rouannez. On en parla au Roy qui y donna son agrement et promit de le faire duc; mais comme M. de la Feuillade estoit le cadet de M. l’Archevesque d’Embrun, il n’avoit point de bien. Le Roy en ecrivit à l’Archevesque qui estoit alors en Espagne. La reponse fut une demission entiere de tout son bien. Le mariage se fit; il fut mis dans le contrat que M. de la Feuillade prendroit le nom de duc de Rouannez. M. de Rouannez donna tout son bien à Mme sa sœur et la chargea de payer les dettes, et se reserva seulement quelques terres de 15. ou 20. mil livres de rente, je ne scay s’il s’en reserva la proprieté ou seulement la jouissance. Le mariage ne fut pas plustost fait que Mme de La Feuillade reconnut sa faute, en demanda bien pardon à Dieu et en fit penitence, car elle eut beaucoup à souffrir et reconnoissoit tousjours que c’estoit Dieu qui le permettoit pour la punir. Elle eut un premier enfant qui ne reçut point le baptesme ; le second fut un fils tout contrefait par les jambes ; le 3e fut une fille qui demeura naine depuis deux ans jusques à 10. ou 12. sans croistre du tout, ensuite elle crut un peu, mais elle mourut à 19. ans subitement. Le 4e est M. de la Feuillade d’aujourd’huy. Apres avoir eu ces enfans, elle eut des maladies extraordinaires ; il luy fallut faire des operations cruelles, qu’elle souffrit tousjours en esprit de penitence, et elle disoit : je suis bien heureuse de ce que Dieu m’envoye des occasions de souffrir ; cela me fait es-