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LETTRES DE PASCAL A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ 395

gneurs. Il y eut un homme de qualité 1 qui s’en approchoit, lorsqu’il arriva que Mlle de Rouannez qui avoit mal aux yeux alla faire une neuvaine à la Sainte Epine à P. R. Je n’assureray pas si ce fut en 1656, ou 1657 ², mais le dernier jour de sa neuvaine, elle fut touchée de Dieu si vivement, que durant toute la messe elle fondit en larmes. Madame sa mere, qui y alloit tous les jours avec elle, fut surprise de la voir en cet estat. Mlle de Rouannez la pria de ne pas sortir si tost de l’eglise. Enfin en estant sortie et retournant chez elle, elle tesmoigna à Mad. sa mere qu’elle vouloit se donner à Dieu. Elle resta quelques jours chez elle, et ensuite elle s’échappa un matin et alla à Port-Royal demander à y estre receue. M. Singlin et la mere abbesse jugerent à propos de luy faire ouvrir la porte ; elle y entra et se mit au noviciat avec une ferveur extraordinaire sous le nom de sœur Charlotte de la Passion, et y prit le petit habit. J’y estois alors et j’en fus tesmoin. Mad. sa mere l’ayant appris, alla à P. R. faire ses plaintes, et enfin ne pouvant obtenir qu’elle sortist, au bout de 3. moys elle s’adressa à la Reine mere qui luy donna une lettre de cachet qui luy ordonnoit de sortir. Alors avant que de sortir, elle prononça des vœux de chasteté, je ne sçay si ce fut à l’Eglise ou en presence des Religieuses, et se coupa les cheveux. Depuis cela elle resta chez elle dans une retraite et une separation entiere du monde. Cela dura jusqu’a la fin de l’année 1663. Durant tout ce tems-là, elle renouvelloit ses vœux toutes les fois qu’elle communioit, elle les escrivoit et les signoit dans un petit livre qu’elle avoit exprés pour cela; elle y ajouta mesme le vœu d’estre Religieuse. Il arriva donc que Mad. sa sœur, la Religieuse qui estoit aux Filles-Dieu, voïant que M. son frere persistoit dans sa reso-

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1. Hermant dans ses Mémoires, T. III, p. 504, nomme le marquis d’Alluye, fils du marquis de Sourdis.

2. Hermant (ibid.) dit que la première visite à Port-Royal eut lieu en juin, et que, le vendredi 4 août 1656, Mlle de Rouannez était accompagnée de sa mère et de son frère.