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326 ŒUVRES

et si coquette dont vostre P. le Moyne a parlé de la pieté dans sa devotion aisée 1 soit plus propre à donner du respect que du mépris pour l’idée qu’il forme de la vertu chrestienne ? Tout son livre des Peintures Morales 2 respire-t’il autre chose, et dans sa prose, et dans ses vers, qu’un esprit plein de la vanité et des folies du monde ? Est-ce une piece digne d’un Prestre que cette Ode du 7. livre intitulée, Eloge de la pudeur, où il est monstre, que toutes les belles choses sont rouges, ou sujettes à rougir. C’est ce qu’il fit pour consoler une Dame, qu’il appelle Delphine, de ce qu’elle rougissoit souvent. Il dit donc à chaque stance, que quelques-unes des choses les plus estimées sont rouges, comme les roses, les grenades, la bouche, la langue; et c’est parmy ces galanteries honteuses à un Religieux, qu’il ose mesler insolemment ces esprits bien-heureux qui assistent devant Dieu, et dont les Chrestiens ne doivent parler qu’avec veneration.


Les Cherubins, ces glorieux

Composez de teste et de plume,

Que Dieu de son esprit allume.

Et qu’il éclaire de ses yeux.

Ces illustres faces volantes

Sont tousjours rouges et brûlantes.

Soit du feu de Dieu, soit du leur,


Et dans leurs flâmes mutuelles

Font du mouvement de leurs aisles

Un évantail à leur chaleur.

Mais la rougeur éclatte en toy

DELPHINE avec plus davantage,

Quand l’honneur est sur ton visage

Vestu de pourpre comme un Roy, etc.


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1. Cf. la neuvième Provinciale p. 197. Arnauld avait critiqué ce style dans des termes assez voisins de ceux-ci, cf. supra p. 179, n. I.

2. Cf. ces citations des Peintures Morales, supra p. 303 sqq. — Répliquant à l’ Apologie pour les Casuistes, Nicole dans sa note III entend prouver : « Que les « armes » du Pere Le Moine Jesuite sont tres-foibles et sa patience fort suspecte. Impieté de la proposition du Pere Garasse ».