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ONZIÈME PROVINCIALE 317

oblige quelquefois à rire des erreurs des hommes pour les porter eux-mesmes à en rire et à les fuïr, selon cette parole de S. Augustin : Hæc tu misericorditer irride, ut eis ridenda ac fugienda commendes. Et la mesme charité oblige aussi quelquefois à les repousser avec colere, selon cette autre parole de S. Gregroire de Nazianze : L’esprit de charité et de douceur a ses emotions et ses coleres 1. En effet comme dit S. Augustin 2: Qui oseroit dire, que la verité doit demeurer desarmée contre le mensonge, et qu’il sera permis aux ennemis de la foy, d’effrayer les fideles par des paroles fortes , et de les rejoüyr par des rencontres d’esprit agreables ; mais que les catholiques ne doivent escrire qu’avec une froideur de stile qui endorme les lecteurs ?

Ne voit-on pas, que selon cette conduite on laisseroit introduire dans l’Eglise les erreurs les plus extravagantes et les plus pernicieuses, sans qu’il fust permis de s’en moquer avec mépris, de peur d’estre accusé de blesser la bienseance; ny de les confondre avec vehemence, de peur d’estre accusé de manquer de charité.

Quoy, mes Peres, il vous sera permis de dire, qu’on peut tuër pour éviter un soufflet et une injure 3, et il ne sera pas permis de refuter publiquement une

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1 . W. ajoute : Has orationis formas qui veritati detrahit, magno illam præsidio spoliat. — Cf. ces citations empruntées à Arnauld, supra p. 290 et 294 sq.

2. W. lib. 4. de doct. Christ, cap. I.

3. Cf. la septième Provinciale, p. 96.