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ONZIÈME PROVINCIALE. — INTRODUCTION 291

XII. Quel jugement on doit faire d’un Escrivain, qui se sert quelquefois de railleries, comme les Saints Peres.

XIII. Deux regles pour le juste employ de la raillerie.

p. 35 .... Le mesme Tertullien marque en peu de paroles les deux regles, que l’on doit garder dans cet employ de la raillerie, pour n’en pas faire un mauvais usage. La premiere, qu’elle soit fondée dans la verité, et non appuyée sur le mensonge et sur l’imposture. 1° Qu’elle soit fondée sur la Verité, et non sur le mensonge. Et c’est pourquoy cet Auteur ne considere pas tant un escrivain, qui raille agreablement ceux qui insultent à la Verité, que la Verité mesme, qui raille ses adversaires par la bouche de celuy qui la deffend.... Que si au contraire le mensonge veut usurper contre la Verité mesme, ce qui n’est propre qu’à la Verité mesme, ce qui n’est propre qu’à la Verité qui se deffend contre le mensonge: si au lieu de ne reprendre que des desordres publics, comme ont fait les Peres, on en suppose de faux qu’on feint à plaisir, comme ont fait les heretiques contre les Peres, et les payens contre les chrestiens : ...si ....on quitte les choses qu’on devoit combattre, parce qu’on les juge trop veritables et trop raisonnables, pour y trouver des sujets de raillerie, et l’on s’attaque à des personnes étrangeres et entierement éloignées du sujet dont on avoit à parler : à des personnes tres-chastes et tres-innocentes, pour les déchirer en leur honneur par des impostures noires : à des personnes tres-foibles par la condition de leur sexe, que la charité genereuse traite toujours avec modestie, mais que la fureur et la rage ne peut épargner, c’est alors. Monsieur, que selon l’esprit des Peres on ne doit avoir que de l’aversion et de l’horreur pour ces vangeances basses et criminelles de ceux, qui ont l’esprit ulcéré par la force des justes reproches que leur conscience et leur foiblesse ne peut repousser : pour ces diffamations atroces et scandaleuses, qui ne sont pas tant des productions libres de l’esprit et de la raison, que des effusions involontaires et toutes payennes d’une bile aigrie et enflammée [pp. 321 et 328 sq.].