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Mais les Saints Peres, Monsieur, ne l’ont pas seulement considerée comme un devoir de la justice envers ceux qui sont emportez de presomption, et préoccupez d’erreur; ils l’ont tenüe encore pour un devoir de charité, et de la plus grande charité, qu’on puisse exercer envers ces personnes.

JESUS CHRIST, selon S. Augustin, touché de ce mouvement de charité a humilié Nicodeme, en cette maniere, voyant que son esprit estoit infecté du levain de la vanité et de l’ignorance Pharisienne. Le Seigneur, dit ce grand Saint, sçavoit bien ce qu’il faisait. Il vouloit, que ce Prince nasquist de l’esprit. Parce qu’il le voyait enflé d’orgueil à cause qu’il estoit docteur des Juifs, il rabat sa vanité, afin de le rendre capable de renaistre de l’esprit. Il luy insulte comme à un ignorant. Il le pique et le mal traitte, comme le merite un orgueilleux ; en disant : Quoy ? Vous estes maistre en Israël, et vous ignorez ces choses. Ce qui est le mesme que s’il eust dit : Prince superbe, vous ne sçavez rien. (Tract. 12. in Joan) Noverat Dominus quid agebat. Volebat illum nasci ex spiritu. Ille magisterio inflatus erat, et alicujus momenti sibi esse videbatur, quia Doctor erat Judæorum. Deponit ei superbiam, ut possit nasci de spiritu. Insultat tanquam indocto. Exagitat superbiam hominis. Tu es magister in Israël, et hæc ignoras : tanquam diceret : Ecce nihil nosti, Princeps superbus.) [p. 312 sq.].

Ce que S. Chrysostome (Homil. 25. in Joan.) et S. Cyrille (ib. 4. in Joan. c. 14.) confirment en disant; que JESUS-CHRIST ne l’accuse pas de malice, mais de stupidité et d’ignorance, et qu’il meritait d’estre ainsi joüé. Cette pratique de celuy, qui estoit la charité mesme, et qui estoit venu sauver les ames, a porté le mesme S. Augustin, qui a esté incomparable en l’exercice de cette Vertu, à tenir pour une œuvre de misericorde de se railler charitablement des choses qui sont dignes de mespris et de risée, afin de porter les autres à en rire et à les fuir comme meprisables et ridicules. Hæc tu misericorditer irride, ut eis irridenda et fugienda commendes (lib. 15. contra Faust. c. 4.) [pp. 313 et 316 sq.].