Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/304

Cette page n’a pas encore été corrigée

288 ŒUVRES

que je ne leur en feray de veritables. Que s’il se trouve des endroits, où le lecteur soit porté à rire, il jugera aisément, que c’estoit les sujets mesmes, qui demandoient d’estre traitez de la sorte. Il y a plusieurs choses, qu’on est obligé de refuter en cette maniere: de peur qu’estant proposées en des termes graves et serieux, on ne leur donne du poids, et on ne les rende dignes de quelque respect. Il n’y a rien qui soit plus deü à la vanité des hommes que d’estre RAILLEE. Et c’est proprement à la Verité qu’il convient de RAILLER, parce qu’elle est gaye, et de se joüer de ses ennemis, parce qu’elle est asseürée de la victoire. Il faut seulement prendre garde, qu’elle ne se rende pas ridicule par ses railleries, si elles sont sans esprit et indignes d’elle. Mais par tout où l’on pourra s’en servir avec adresse, c’est un devoir et une vertu que d’en user (adv. Valent, c. 6. Congressionis lusionem deputa, Lector, ante pugnam. Ostendam, sed non imprimam vulnera. Si et ridebitur alicubi, materiis ipsis satisfiet. Multa sunt sic digna revinci, ne gravitate adorentur. Vanitati propriè festivitas cedit. Congruit et Veritati ridere quia lætans ; de æmulis suis ludere, quia secura est. Curandum plane, ne risus ejus videatur si fuerit indignus. Cæterum, ubicumque dignus risus, officium est) ... [p. 314 sq.].

VII. I. Raison de la conduite des Peres. Qu’il y a des choses, ausquelles l’on donneroit du poids, si on les refutoit serieusement.

La premiere, qui est, qu’il y a plusieurs choses, qui doivent estre refutées avec raillerie, parce qu’on leur donneroit du poids et de la solidité en les traittant d’une maniere toute serieuse, est si conforme à la lumiere naturelle, et au sens commun de tous les Sages, que les anciens Orateurs l’ont reconnuë et justifiée mesme par quelques exemples. Mais j’adjousteray, Monsieur, que cette conduitte a esté excellement pratiquée par le mesme Tertullien dans cette grave et celebre Apologie (lib. 6. c. 3.), où deffendant la cause du monde la plus serieuse et la plus sainte, qui estoit celle de toute la religion chrestienne contre le paganisme et l’idolatrie, et la deffendant à la veille d’une persecution sanglante, qui devoit plustost porter à pleurer qu’à rire, ne laisse pas de