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NEUVIÈME PROVINCIALE 199

peinture, j’aurois dit que c’eust esté quelque impie qui l’auroit faite à dessein de tourner les Saints en ridicules. Car si ce n’est là l’image d’un homme tout à fait détaché des sentimens ausquels l’Evangile oblige de renoncer, je confesse que je n’y entens rien. Voyez donc, dit-il, combien vous vous y connoissez peu. Car ce sont là des traits d’un esprit foible et sauvage, qui n’a pas les affections honnestes et naturelles qu’il devrait avoir, comme le P. le Moyne le dit dans la fin de cette description. C’est par ce moyen qu’il enseigne la vertu et la Philosophie chrestienne, selon le dessein qu’il en avoit dans cet ouvrage, comme il le declare dans l’avertissement. Et en effet on ne peut nier que cette methode de traiter de la devotion, n’agrée tout autrement au monde, que celle dont on se servoit avant nous. Il n’y a point de comparaison, luy dis-je, et je commence à esperer que vous me tiendrez parole. Vous le verrez bien mieux dans la suite, dit-il ; je ne vous ay encore parlé de la pieté qu’en general. Mais pour vous faire voir en détail combien nos Peres en ont osté de peines ; n’est-ce pas une chose bien pleine de consolation pour les ambitieux, d’apprendre qu’ils peuvent conserver une veritable devotion, avec un amour desordonné pour les grandeurs ? Et quoy, mon Pere, avec quelque excez qu’ils les recherchent ? Oüy, dit-il ; car ce ne seroit toujours que peché veniel, à moins qu’on desirast les grandeurs pour offenser Dieu ou l’Estat plus commodément. Or les pechez veniels n’empeschent pas d’estre devot, puisque les