Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/20

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que prix que ce soit. Cependant quoique cette piece qui porte le nom de M. Arn[auld] son auteur soit admirablement belle et toute veritable, ayant eté vue par MM. Les Eveq[ues] de Chalons et de Beauvais, elle a esté jugée trop forte, et ils ont fort prié, qu’elle ne paroisse pas sitôt, si bien qu’on la supprime pour un tems.

« Le même jour 30. cy-dessus, M. d’Aubrai, Lieutenant civil partit à 6. heures du matin de Paris pour aller à l’Abbaie de Port-Royal de la part du Roi, voir si chacun de ceux de dehors estoit retiré[1]. M. de Bagnols et M. de Luzanci avertis de cela partirent à cheval demie-heure apres, et ne l’ayant voulu joindre qu’à la descente de Joui, M. de Bagnols cy-devant Maître des Requestes et Compagnon du Lieutenant civil, mais presentement ami et bienfaiteur preferable à tous de P. R. l’accosta en cet lieu, et se mit dans son carosse avec luy, pendant que M. de Luzanci prit les devans et avertit de sa venue. Il alla d’abord à la ferme d’en haut, où nous demeurions tous, où il trouva tous les logemens vuides et un nommé M. Charle brave garçon picard qui a soin du labourage. Il l’interrogea fort longtems, savoir 2. heures et demie, le prenant pour un paisan. Il luy fit plusieurs demandes, auxquelles il repondit fort sagement. J’en ay parmi mes papiers une copie de sa main.

« Apres il descendit à l’Abbaie, où il interrogea juridiquement la mere Angélique, sainte fille, sœur de M. Arn[auld] ; luy ayant fait lever la main, il insista surtout à savoir s’il y avoit une imprimerie, sur quoi il avoit aussi fort interrogé M. Charle ; et il parut par là, que cela luy estoit bien recommandé, et qu’aparemment par les bons offices des Jes[uites] la

  1. M. Batiffol a retrouvé à la Bibliothèque Nationale, ms. fr. 17345, f. 19 sqq., le procès-verbal officiel rédigé par Dreux-Daubray, avec les interrogatoires de M. Charles, de la Mère Angélique, de Dugué de Bagnols et de Charles de Bernières ; cf. dans la Revue de Paris du 15 mai 1912, son article sur : Une descente de police à Port-Royal, 1656. Le Recueil d’Utrecht de 1740, p. 233, attribue à tort à Pontchâteau l’extrait qu’il donne du Journal de d’Asson de Saint-Gilles.