Le miracle du 24 mars n’était pas encore connu au dehors de Port-Royal, et les craintes de persécution subsistaient. Même on décida d’avancer la publication de la cinquième Provinciale, en raison des perquisitions de police qui furent opérées le 30 mars, et que d’Asson de Saint Gilles raconte longuement.
« Jeudi 30. mars 1656. Aujourdh’ui le Commissaire Camuset, qui avoit cy-devant pris le Sr Savreux prisonnier, fut chez Langlois imprimeur qui avoit encore les formes de la 5e Lettre au Provincial, et les 2. premieres et deux dernieres pages de la 1e Lettre Apologetique de M. Arn[auld]. Il s’en fit tirer devant luy de ces 2. ouvrages, n’ayant trouvé aucunes des feuilles qui avoient esté enlevées : il fit grand bruit là-dessus, fit signer et parafer ces feuilles et quelques autres des premieres Provinciales qu’on réimprimoit par Langlois ; visita chez luy partout, dressa son procès verbal et s’en alla. Cela a mis une grande allarme chez tous nos Imprimeurs, et on craint fort que M. le Chancel[ier]ne fasse prendre Langlois. On travaille cependant à force d’argent à le sortir d’affaire. Mais il est estrange qu’il y ait toute liberté pour les fatras et calomnies des Jesuites et autres Molinistes, et qu’il n’y en ait aucune pour les ouvrages qui defendent la verité et la saine doctrine.
« Cette facheuse surprise d’imprimeur a fait resoudre les amis de publier cette 5e Lettre au Provincial, qui est toute de la detestable morale des Jesuites : on avoit dessein de ne la publier qu’avec la 6e qui doit bientôt paroître. Ce commencement aussi et fin de Lettre Apologetique ont fort excité la curiosité de Mr le Chanc[elier] pour avoir la piece entiere, et le Commissaire est revenu chez Langlois pour l’avoir à quel-
