biens de la concupiscence. C’est la concupiscence qui les attache à vous. Vous estes donc proprement un Roy de concupiscence^, vostre royaume est de peu d’étendue, mais vous estes égal en cela aux plus grands Roys de la terre. Ils sont comme vous des Roys de concupiscence. C’est la concupiscence qui fait leur force, c’est à dire la possession des choses que la cupidité des hommes désire.
Mais en connoissant vostre condition naturelle, usez des moyens qu’elle vous donne, et ne prétendez pas régner par une autre voye que par celle qui vous fait Roy. Ce n’est point vostre force et vostre puissance naturelle qui vous assujettit toutes ces personnes. Ne prétendez donc point les dominer par la force, ny les traitter avec dureté. Contentez leurs justes désirs, soulagez leurs nécessitez, mettez vostre plaisir à estre bien faisant, avancez les autant que vous le pourrez, et vous agirez en vray Roy de concupiscence.
Ce que je vous dis ne va pas bien loin : et si vous en demeurez là vous ne laisserez pas de vous perdre, mais au moins vous vous perdrez en honneste homme. Il y a des gens qui se damnent si sotement par l’avarice, par la brutalité, par les débauches, par la violence, par les emportemens, par les blasphèmes. Le moyen que je vous ouvre est sans doute plus honneste ; mais en vérité c’est toujours une grande folie que de se damner. Et c’est pour-
I. Cf. Pensées, fr. 3i4, T. II, p. 235 : « Dieu a créé tout pour soy, a donné puissance de peine et de bien pour soy. Vous pouvez l’appliquer à Dieu ou à vous. Si à Dieu, l’Evangile est la règle. Si à vous, vous tiendrez la place de Dieu. Comme Dieu est environné de gens pleins de charité, qui luy demandent les biens de la charité qui sont en sa puissance, ainsy Connoissez-vous donc et sçachez que vous n’estes qu’un Roy de concupiscence et prenez les voyes de la concupiscence. » Cette Pensée n’est pas dans l’édition de Port-Royal.