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DE L'ART DE PERSUADER 289

sont toutes naturelles et à nostre portée, et mesme con- nues de tout le monde. Mais on ne sçait pas les dis- tinguer. Gecy est universel. Ce n'est pas dans les choses extraordinaires et bizarres que se trouve l'ex- cellence de quelque genre que ce soit. On s'eleve pour y arriver, et on s'en esloigne : il faut le plus souvent s'abaisser. Les meilleurs livres sont ceux que ceux qui les lisent croyent qu'ils auroient pu faire. La nature, qui seule est bonne, est toute familière et commune ^ Je ne fais donc pas de doute que ces règles, estant les véritables, ne doivent estre simples, naïves, naturelles, comme elles le sont. Ce n'est pas barbara et baralipton qui forment le raisonnement ^ Il ne faut pas guinder l'esprit ; les manières tendues et pénibles le remplissent d'une sotte présomption par une élévation étrangère et par une enflure vaine et ridicule au lieu d'une nourriture solide et vigou- reuse. Et l'une des raisons principales qui esloignent autant ceux qui entrent dans ces connoissances

��1. Cf. Pensées, fr. 29, T. I, p. 38 : « Ceux là honorent bien la nature, qui luy apprennent qu'elle peut parler de tout, et mesme de théologie. « 

2. Sans doute Pascal se souvient ici de Montaigne (I, 25) : « C'est Baroco et Baralipton qui rendent leurs supposts ainsi crottez et enfumez ». Et c'est sans doute à Pascal en même temps qu'à Montaigne que répond la Logique de Port-Royal, dans le Discours préli- minaire (p. 3 1) : «.c On n'a pas tru aussi devoir s'arrester au dégoust de quelques personnes qui ont en horreur certains termes artificiels qu'on a formés pour retenir plus facilement les diverses manières de raison- ner, comme si c'étoient des mots de Magie, et qui font souvent des railleries asses froides sur baroco el baralipton comme tenant du carac- tère du Pédant : parce que l'on a jugé qu'il y avoit plus de bassesse dans ces railleries que dans ces mots ».

2^ série. VI iq

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