Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

286 ŒUVRES

faire un principe ferme et soutenu d'une physique entière, comme Descartes a prétendu faire. Car, sans examiner s'il a réussi efficacement dans sa pré- tention, je suppose qu'il Fait fait, et c'est dans cette supposition que je dis que ce mot est aussy différent dans ses escrits d'avec le mesme mot dans les autres qui l'ont dit en passant, qu'un homme plein de vie et de force d'avec un homme mort. Tel dira une chose de soy-mesme sans en comprendre l'excellence, 011 un autre comprendra une suite merveilleuse de conséquences qui nous font dire hardiment que ce n'est plus le mesme mot, et qu'il ne le doit non plus à celuy d'où il l'a appris, qu'un arbre admirable n'ap- partiendra pas à celuy qui en auroit jeté la semence, sans y penser et sans la connoistre, dans une terre abondante qui en auroit profité de la sorte par sa propre fertilité. Les mesmes pensées poussent quel- quefois tout autrement dans un autre que dans leur auteur : infertiles dans leur champ naturel, abon- dantes estant transplantées. Mais il arrive bien plus souvent qu'un bon esprit fait produire luy mesme à ses propres pensées tout le fruit dont elles sont capables, et qu'en suitte quelques autres, les ayant ouy estimer, les empruntent et s'en parent, mais sans en connoistre l'excellence ; et c'est alors que la diffé- rence d'un mesme mot en diverses bouches paroist le plus.

C'est de cette sorte que la logique a peut estre emprunté les règles de la géométrie sans en compren- dre la force : et ainsy, en les mettant à l'aventure

�� �