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28i OEUVRES

quoy l'incomparable auteur de l'idr^ de conférer^ s'ar- reste avec tant de soin à faire entendre qu'il ne faut pas juger de la capacité d'un homme par l'excel- lence d'un bon mot qu'on luy entend dire ; mais, au lieu d'étendre l'admiration d'un bon discours à la personne, qu'on pénètre, dit il, l'esprit d'où il sort, qu'on tente s'il le tient de sa mémoire ou d'un heu- reux hasard, qu'on le reçoive avec froideur et avec mespris, afin de voir s'il ressentira qu'on ne donne pas à ce qu'il dit l'estime que son prix mérite : on verra le plus souvent qu'on le luy fera desavouer sur l'heure, et qu'on le tirera bien loin de cette pensée meilleure qu'il ne croit, pour le jeter dans une autre toute basse et ridicule. Il faut donc sonder comme cette pensée est logée en son auteur ; comment, par où, jusques où il la possède : autrement, le jugement précipité sera jugé téméraire.

Je voudrois demander à des personnes équitables si ce principe : la matière est dans une incapacité naturelle invincible de penser et celuy-cy : je pense, donc je suis, sont en efPet les mesmes dans l'esprit de Descartes et dans l'esprit de saint Augustin, qui a dit

I. C'est le titre d'un chapitre de Montaigne (III, viii), oiî Pascal lisait des passages tels que ceux-ci : « Aux disputes et conféren- ces, tous les mots qui nous semblent bons ne doivent pas incontinent

estre acceptez Il peut bien advenir à un tel de dire un beau traict,

une bonne response et sentence, et la mettre en avant sans en

cognoistre la force Il n'y faut point tousjours céder, quelque vérité

ou beauté qu'elle ayt : ou il la fault combattre à escient, ou se tirer arrière, soubs couleur de ne l'entendre pas, pour taster de toutes parts comment elle est logée en son aucteur — J'oys journellement dire à des sots des mots non sots; ils disent une bonne chose; sçachons jusques où ils la cognolssent, veoyons par où ils la tiennent. »

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