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DE L'ART DE PERSUADER 283

tant de soin la source de tous les défauts des raison- nemens, qui sont véritablement communs. Mais cela l'est si peu, que, si l'on en excepte les seuls géomè- tres, qui sont en si petit nombre qu'ils sont uniques en tout un peuple et dans un long temps, on n'en voit aucun qui le sçacbe aussy. Il sera aysé de le faire entendre à ceux qui auront parfaitement conceu le peu que j'en ay dit ; mais s'ils ne l'ont pas conceu parfaitement, j'avoue qu'ils n'y auront rien à y ap- prendre. Mais s'ils sont entrez dans l'esprit de ces règles, et qu'elles ayent assez fait d'impression pour s'y enraciner et s'y affermir, ils sentiront combien il y a différence entre ce qui est dit icy et ce que quelques logiciens en ont peut estre écrit d'ap- prochant au hasard, en quelques lieux de leurs ou- vrages. Ceux qui ont l'esprit de discernement sçavent combien il y a de différence entre deux mots sem- blables, selon les lieux et les circonstances qui les accompagnent. Croira-t-on, en vérité, que deux personnes qui ont lu et appris par cœur le mesme livre le sçachent également, si l'un le comprend en sorte qu'il en sçacbe tous les principes, la force des conséquences, les responses aux objections qu'on y peut faire, et toute l'économie de l'ouvrage ; au lieu qu'en l'autre ce soyent des paroles mortes, et des semences qui, quoy que pareilles à celles qui ont pro- duit des arbres si fertiles, sont demeurées sèches et infructueuses dans l'esprit stérile qui les a receues en vain ? Tous ceux qui disent les mesmes choses ne les possèdent pas de la mesme sorte; et c'est pour

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