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DE L'ART DE PERSUADER 27o

sont bien establies sur des veritez connues, mais qui sont en mesme temps contraires aux plaisirs qui nous touchent le plus. Et celles là sont en grand péril de faire voir, par une expérience qui n'est que trop ordinaire, ce que je disois au commencement : que celte ame impérieuse, qui se vantoit de n'agir que par raison, suit par un choix honteux et témé- raire ce qu'une volonté corrompue désire, quelque résistance que l'esprit trop éclairé puisse y opposer. C'est alors qu'il se fait un balancement douteux entre la vérité et la volupté, et que la connoissance de l'une et le sentiment de l'autre font un combat dont le succez est bien incertain, puisqu'il faudroit pour en juger connoistre tout ce qui se passe dans le plus intérieur de l'homme, que l'homme mesme ne connoist presque jamais. Il paroist de là que, quoy que ce soit qu'on veuille persuader, il faut avoir égard à la personne à qui on en veut, dont il faut connoistre l'esprit et le cœur, quels principes il accorde, quelles choses il ayme ; et ensuite remar- quer, dans la chose dont il s'agit, quel rapport elle a avec les principes avouez, ou avec les objets déli- cieux par les charmes qu'on luy donne. De sorte que l'art de persuader consiste autant en celuy d'agréer qu'en celuy de conA^aincre, tant les hom- mes se gouvernent plus par caprice que par raison^ ! Or, de ces deux méthodes, l'une de convaincre.

��I. Cf. Pensées, fr. i5, T. I, p. 27 : « Eloquence qui persuade par douceur, non par empire, en tyran, non en roy »; et fr. 3ii, T. II, p. 233.

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