Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE L'ART DE PERSUADER 273

nous des choses agréables et nous vous écouterons, disoient les Juifs à Moïse ^ ; comme si Tagrement devoit régler la créance I Et c'est pour punir ce de- sordre par un ordre qui luy est conforme, que Dieu ne verse ses lumières dans les esprits qu'après avoir dompté la rébellion de la volonté par une douceur toute céleste qui le charme et qui l'entraisne.

Je ne parle donc que des veritez de nostre portée ; et c'est d'elles que je dis que l'esprit et le cœur sont comme les portes par où elles sont receues dans l'ame, mais que bien peu entrent par l'esprit, au lieu qu'elles y sont introduites en foule par les ca- prices téméraires de la volonté, sans le conseil du raisonnement \

Ces puissances ont chacune leurs principes et les premiers moteurs de leurs actions. Ceux de l'esprit sont des veritez naturelles et connues à tout le monde, comme que le tout est plus grand que sa partie, outre plusieurs axiomes particuliers que les uns reçoivent et non pas d'autres, mais qui, dez qu'ils sont admis, sont aussy puissants, quoy que faux, pour emporter la créance, que les plus véritables. Ceux de la vo- lonté sont de certains désirs naturels et communs à tous les hommes, comme le désir d'estre heureux, que personne ne peut pas ne pas avoir ^ outre plu-

1. Ce passage paraît bien faire allusion au verset 19 du chap. XX de l'Exode : dicentes Moysi : Loquere tu nobis, et audiemiis. Mais, comme le fait remarquer Ernest Havet, le texte n'a nullement le sens qu'indique ici Pascal.

2. Cf. Pensées, fr. 99, T. Il, p. 2/4.

3. Cf. Pensées, fr. l\2b, T. II, p. 821, et note 3.

2^ série. VI 18

�� �