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TROISIÈME PROVINCIALE

l’en retrancher à quelque prix que ce soit : et qu’ainsi les escrits de l’un ne donnant aucune prise aux desseins des autres, ils ont esté contraints pour satisfaire leur passion, de prendre une proposition telle quelle, et de la condamner sans dire en quoy, ny pourquoy ? Car ne sçavez vous pas comment les Jansenistes les tiennent en eschec, et les pressent si furieusement, que la moindre parole qui leur eschape contre les principes des Peres, on les voit incontinent accablez par des volumes entiers où ils sont forcez de succomber. De sorte qu’apres tant d’épreuves de leur foiblesse, ils ont jugé plus à propos et plus facile de censurer que de repartir, parce qu’il leur est bien plus aisé de trouver des Moines que des raisons[1].

Mais quoy, luy dis-je, la chose estant ainsi, leur censure est inutile. Car quelle creance y aura-t’on en la voyant sans fondement, et ruinée par les responses qu’on y fera ? Si vous connoissiez l’esprit du peuple, me dit mon Docteur ; vous parleriez d’une autre sorte. Leur censure toute censurable qu’elle

  1. Voir l’idée première de cette phrase fameuse, dans Arnauld, supra p. 198. D’Asson de Saint-Gilles écrit dans son Journal, à la date du 14 mars 1656 : « Le Prince de Guemené a dit aussi une chose plaisante qu’il fait passer comme en proverbe : c’est que dans les Lettres au Provincial touchant la censure, qui ont paru jusqu’à present et ont esté fort estimées, on a fort remarqué une chose jolie, qui est que M. Arnauld avoit esté condamné à la pluralité à cause seulement des 30 ou 40 moines qui estoient aux assemblées, et qu’il est bien plus aisé de trouver des moines que des raisons. Ce prince donc qui est homme de bons mots, quand on luy donne une mauvaise raison, il dit aussitôt voilà un moine, et quand on luy donne une bonne raison, voila une raison, mais l’autre est un moine. »