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SECONDE PROVINCIALE 165

presage, et me croyoit desja gagné. Il ne me dit rien neantmoins, mais en s’adressant à ce Pere. Dites-moy je vous prie, mon Pere, en quoy vous estes conformes aux Jesuites. C’est, dit-il, en ce que les Jesuites et nous reconnoissons les graces suffisantes données à tous. Mais, luy dit-il, il y a deux choses dans ce mot de grace suffisante : il y a le son qui n’est que du vent, et la chose qu’il signifie qui est réelle et effective. Et ainsi quand vous estes d’accord avec les Jésuites, touchant le mot de suffisante, et 1 contraires dans le sens il est visible que vous estes contraires 2 pour la substance de ce terme, et que vous n’estes d’accord que du son. Est-ce là agir sincerement et cordialement. Mais quoy, dit le bon homme, de quoy vous plaignez-vous, puisque nous ne trahissons personne par cette maniere de parler. Car dans nos escoles, nous disons ouvertement, que nous l’entendons d’une maniere contraire 3 aux Jesuistes. Je me plains, luy dit mon amy, de ce que vous ne publiez pas de toutes parts, que vous entendez par grace suffisante, la grace qui n’est pas suffisante. Vous estes obligez en conscience, en changeant ainsi le sens des termes ordinaires de la Religion, de dire, que quand vous admettez une grace suffisante dans tous les hommes ; vous entendez, qu’ils n’ont pas 4 des graces suffisantes en effet.

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1. A 2 B. [que vous leur estes] ; W. in sensu verô ab illis dissidetis.

2. A 2 B. [touchant].

3. W. longe diversam....vim.

4. P. [de]; W. non adesse illis gratiam quæ reipsà sufficiat.