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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 67

pas emeuë de la mesme façon de toutes celles qu'on luy fait.

Sur cela elle eut la bonté de me raconter plusieurs histoires de mesme nature fort en détail, et sans neant- moins faire connoistre les personnes, autant comme j'en puis juger pour me donner cette espèce de consolation qui se rencontre dans la société de plusieurs affligez, que pour me faire reconnoistre qu'on n'est jamais si vivement touché des injustices où l'on n'a point de part que de celles où l'on est interressé. Et puis elle adjousta : « C'est pour cela que j'ay une grande joye que cela soit arrivé, mais je dis : une joye sensible et véritable, et je ne voudrois, pour le double du bien que vous avez, que vous n'eussiez eu cette espreuve avant vostre profession. Elle vous estoit tout à fait nécessaire ; car vous n'avez point esté esprouvée pendant vostre noviciat, et il est nécessaire de l'estre. Voyez vous, ma sœur, vous avez renoncé au monde avec beaucoup de facilité, Dieu vous ayant fait la grâce de connoistre la vanité et le peu de soli- dité de tous les divertissemens et de tous les amusemens du monde qui charment les autres et les ravissent. Vous estiez fort détachée de tout cela ; mais il restoit encore deux choses dont il failloit vous dépouiller, et vous n'y pensiez pas : l'une est qu'encore que selon le monde vous n'eussiez pas de grands biens, neantmoinspour la religion vous en aviez abondamment, parce qu'il ne faut presque rien au prix du monde ; et l'autre, c'est que la princi- pale richesse de vostre famille, c'estoit cette amitié, cette tendresse, ce désintéressement, cette union si estroitte qui rendoit toutes choses communes entre vous. Dieu vous a voulu dépouiller de tous les deux, pour vous rendre vrayement pauvre de toutes façons, et plus encore de l'amitié que du bien ; car vous estiez preste à le quitter,

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