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62 OEUVRES

J'écrivis à l'heure mesme cette resolution à mes parents, selon Tordre que M. S... m'en donna et dans le style qu'il me prescrivit luy mesme, de crainte que je ne tesmoignasse trop de chaleur. Il approuva neantmoins que je leur fisse connaistre un peu fortement" le tort qu'ils avoient et le des- plaisir extrême que j'en avois receu, parce que la charité demandoit qu'on leur aydast à se faire justice à eux mesmes en les guérissant de l'opinion qu'ils avoient prise d'estre offencez, sans vouloir le paroistre, qui leur faisoit croire qu'ils gaignoient une assez grande victoire sur eux mesmes de ne pas tesmoigner plus de colère qu'ils n'en montroient et qu'ils n'estoient plus obligez à rien qu'à me pardonner dans leur cœur. Mais il m'advertit, en mesme temps, d'y mesler beaucoup de marques de douceur et d'affection, et mesme de tendresse, sans faire paraistre aucune aigreur, puisque Dieu me faisoit la grâce de n'en point avoir, afin que si l'une leur pouvoit faire connoistre ce petit égarement, l'autre servit à les en rappeller ; et il m'ordonna surtout de leur apprendre avec tant de discré- tion la charité qu'on avoit de me faire professe, sans y apporter aucun retardement, non pas mesme pour veoir l'ordre que je pourrois mettre à mes affaires, qu'il ne parust en cela aucune animosité, et qu'il ne semblast point que ce fust un effet de dépit et de courage, ou une bravade qu'on voulust leur faire, ou une invention pour les picquer d'honneur ; mais que j'exprimasse naïvement et nuëment les sentimens de la maison et les miens, qui

��I. « leur injustice et le déplaisir qu'ils m'avoient donné, par ce qu'il leur estoit utile de les aider à se faire justice à eux mesmes en les guérissant de l'opinion qu'il estoit clair qu'ils avoient d'estre offen- sez, qui leur faisoit croire que c'estoit me faire assez de grâce de ne me pas tesmoigner leur colère par des effets plus signalez, et qu'ils n'estoient plus...»

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