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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 61

bientost professe, ce fut de luy proposer une pensée qui ne m'estoit point partie de l'esprit, depuis que je m'estois veue réduite à la nécessité, ou de différer ma profession ou d'estre à charge à la maison ; car ne pouvant me ré- soudre à l'un ny à l'autre en aucune manière, je n'avois point trouvé de plus courte voye pour les éviter toutes deux, que de supplier instamment qu'on me receut en qualité de sœur converse, afin de pouvoir tesmoigner aux sœurs, par l'humble service que je leur eusse rendu toute ma vie, ma reconnoissance de la charité qu'elles me fai- soient en me recevant gratuitement, qui estoit une double grâce dont je me reconnoissois si indigne que je ne pou- vois souffrir qu'on ne vist pas assez la gratitude que j'en conservois, et de ne pas au moins suppléer par le travail à ce qui me manquoit d'ailleurs.

M. S... n'improuva pas d'abord cette proposition, ju- geant qu'il n'y avoit rien de plus utile pour moy ; toute- fois il ne s'y rendit pas, et, après l'avoir examiné, il con- clut qu'on n'y devoit pas ^ condescendre, à cause qu'il ne trouvoit pas que j'eusse des forces suffisantes pour cette condition; ce qui, obligeant par nécessité à me soulager plus que mes compagnes, eust esté capable de les affoi- blir, en leur donnant lieu de penser qu'on le feroit peut estre pour d'autres considérations, et que cela porteroit l'image d'une acception des personnes qui offense la cha- rité et l'esprit de religion qui ne permet aucune distinc- tion entre les sœurs. Et cela le fit terminer à refuser absolument l'instante prière que je luy en faisois, bien qu'il approuvast que j'en eusse eu le désir, si bien que je me vis réduite à laisser les choses dans les termes que nostre Mère avoit proposé.

I. Man. ^.

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