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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 5?

que, comme vous sçavez, la modestie de notre Mère ne le pourroit jamais souffrir ; et quoy que ce soit peu pour sa gloire que d'en parler à une personne qui a une connois- sance si parfaite des grâces que Dieu luy a départies, néant- moins j'espère que Dieu l'aura aggreable parce qu'il veoit dans mon cœur que, si je pouvois quelque chose de plus pour tesmoigner ma reconnoissance, je l'embrasserois de toute mon affection, et que voyant que je ne puis la faire paroistre autrement, j'essaye au moins de conserver la mémoire de la grâce que j'ay receuë.

Vous sçaurez donc, ma chère Mère, qu'aussy tost que j'eus mes voix pour ma profession, je l'escrivis âmes parens^ pour mettre la dernière main à mes affaires et pour leur donner avis de la disposition que je desirois faire du peu de bien que Dieu m'avoit donné ^, avec beaucoup de fran- chise, croyant avoir tout sujet de m'asseurer qu'ils entre- roient dans mes sentimens comme moy mesme et que

��I. Ibid. : « avec beaucoup de liberté et de franchise, leur déclarant ■que je desirois le luy rendre, puisque je m'en despouillois, car je croyois avoir tout sujet de m'asseurer qu'ils approuveroient tous mes desseins ; et que, connoissant le fond de mes intentions et la dispo- sition de mon cœur à leur égard, j'avois la vanité de présumer qu'il ne m'auroit jamais esté possible de les fascher, quoy que je fisse. Et TOUS sçavez que j'avois quelque raison de vivre dans cette confiance, veu l'union et l'amitié que nous avions toujours eue ensemble.

« Cependant ils s'offencerent au vif de mes desseins et crurent que je leur faisois une sensible injure de les vouloir déshériter en faveur de personnes étrangères, que je leur preferois, disoient ils, sans qu'ils m'eussent jamais desobligée. Enfin, ma chère mère, ils prirent les .choses dans un esprit tout séculier, comme auroient peu faire des per- sonnes tout du monde, qui n'auroient pas mesme connu le nom de la charité, et regardèrent celles que j'avois dessein de faire à quelques personnes dont ils n'ignorent pas les besoins, pour des marques d'amitié envers eux à leur préjudice, sans vouloir reconnoistre le mo- tif qui m'y poussoit, et Dieu le permit ainsi sans doute pour nous hu- milier l'un par l'autre... »

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