Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

382

ŒUVRES

autre méthode bien plus courte et plus nette, que je voudrois pouvoir vous dire icy en peu de mots : car je voudrois désormais vous ouvrir mon cœur, s'il se pouvoit, tant j'ay de joie de voir notre rencontre. Je voy bien que la vérité est la mesme à Tolose et à Paris[1].

Voicy à peu prés comme je fais pour sçavoir la valeur de chacune des parties, quand deux joüeurs joüent, par exemple, en trois parties, et chacun a mis 32 pistoles au jeu :

Posons que le premier en ait deux et l'autre une ; ils joüent maintenant une partie, dont le sort est tel que, si le premier la gagne, il gagne tout l'argent qui est au jeu, savoir, 64 pistoles ; si l'autre la gagne, ils sont deux parties à deux parties, et par conséquent, s'ils veulent se séparer, il faut qu'ils retirent chacun leur mise, sçavoir, chacun 32 pistoles.

Considérez donc. Monsieur, que si le premier gagne, il luy appartient 64 ; s'il perd il luy appartient 32. Donc s'ils veulent ne point hazarder cette partie et se séparer sans la joüer, le premier doit dire : « Je suis seur d'avoir 32 pistoles, car la perte mesme me les donne; mais pour les 32 autres, peut-estre je les aurai, peut-estre vous les aurez; le hazard est egal; partageons donc ces 32 pistoles par la moitié

  1. Dans le chapitre VII de son Histoire de Pascal, p. 286, M. Strowski montre Pascal « lecteur alors assidu de Montaigne », et rapproche ce texte de l'Apologie de Raymond de Sebonde. Voir les Pensées à la page 69 de l'autographe, et notre édition, Sect. V, fr. 294, avec le commentaire.