Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRE DE JACQUELINE PASCAL A SON FRERE 17

une sainte joyela séparation de Nostre Seigneur ; sur quoy il y auroit encore beaucoup de choses à dire. Fais par vertu ce qu'il faut que tu fasses par nécessité. Donne à Dieu ce qu'il te demande en le prenant : car il veut que nousluy donnions ce qu'il nous oste comme* nous faisons véritablement ce qu'il fait en nous. Je suis ravie que vous ayez cette occasion de mériter, et j'espère que cette offrande nécessaire vous disposera et méritera la volon- taire que je souhaitte de tout mon cœur, et qui va estre presque tout mon souhait à cette heure que j'ay obtenu ce que je desirois pour mon regard.

Contentez vous que c'est pour vostre considération que je ne suis pas céans il y a plus de six mois, et que j'aurois desja l'habit sans vous ; car nos mères ont receu le noviciat de quatre années que j'ay fait dans le monde, pour toute espreuve, et la volonté que j'ay de bien faire en me lais- sant conduire avec simplicité, pour toute perfection ; si bien que la seule peur que j'ay eue de fascher ceux que j'ayme a différé jusques icy mon bonheur. Il n'est pas raisonnable que je préfère plus longtemps les autres à moy , et il est juste qu'ils se fassent un peu de violence pour me payer de celle que je me suis faite depuis quatre ans. J'attends ce tesmoignage d'amitié de toy principale- ment, et te prie pour mes fiançailles qui se feront. Dieu aydant, le jour de la Sainte Trinité. Je prie Dieu qu'il nous envoyé son Saint Esprit pour nous y disposer. N'est-ce pas une chose estrange que vous vous feriez un grand scrupule, et que tout le monde vous voudroit mal, si pour quelque interest que ce fust vous vouliez m'empescher d'espouser un prince, encore que je dusse le suivre en un lieu fort esloigné de vous ? Faites vous mesme

I. Leçon du manuscrit 12988 : si nous faisions.

III — 2

�� �