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16 ŒUVRES

envers moy ; mais elle ne sera point nécessaire si vous vou- lez un peu rappeler vostre mémoire pour vous ressouvenir des temps oii j'aimois le monde, et où la connoissance et l'amour que j'avois pour mon Dieu me rendoient d'au- tant plus coupable, que je partageois mon cœur entre ces deux maistres avec une inégalité qui me couvre de con- fusion, sur tout quand il me ressouvient que les exhor- tations fréquentes que vous mefesiez sur ce sujet nepou- voient me faire concevoir que je ne pusse allier deux choses aussy contraires que sont l'esprit du monde et celui de la pieté. Voilà un solide fondement pour rendre nostre reconnoissance éternelle envers Dieu de ce qu'il daigne non seulement me retirer de ce dangereux aveu- glement, mais aussy m'establir dans un lieu et dans une condition où je n'ay plus sujet de craindre d'y retomber.

Je finis tout court, parce que j'aurois tant de choses à dire sur le sujet des obligations que je vous ay (lesquel- les je vous prie de ne pas destruire et de m'ayder à les con- server, comme je feray malgré vous mesme et tout ce qui s'y pourroit opposer, afin de les augmenter en les conser- vant, et de ne pas destruire ce que vous avez esdifié) ; sur les avantages inconcevables de la profession que j'embrasse et de la maison où je suis ; sur ce que vous et moy devons à Dieu, non seulement en gênerai comme ses créatures, mais aussy en particulier ; et sur plusieurs autres choses que, si je m'y estendois, je ferois plustost un livre qu'une lettre.

Je suis dans l'impatience de sçavoir en quelle manière vous aurez receu cette nouvelle, quoy qu'il me semble que ce seroit vous faire tort de douter que vous ne l'eus- siez bien receue, si on ne pardonnoit à la nature toutes les agitations qu'elle aura pu vous causer ; mais il ne faut pas qu'elle soit maistresse. Surmontez la par mon exem- ple, ou plustost parceluy des apostres qui reçoivent avec

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