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PRÉFACE DES TRAITÉS

rables ausquels il avoit dessein de s’employer tout entier pour le service de l’Eglise, regardent d’une autre maniere le peu d’écrits qu’il leur a laissez et qu’ainsi ils se soient plus facilement portez à les donner au public.

Car dans le regret de la perte qu’ils ont faite, tout ce qui leur reste de luy leur est precieux ; parce qu’il leur renouvelle le souvenir d’une personne qui leur a esté si chere par tant de raisons, et qu’ils y entre-voyent toûjours quelques traits de cette éloquence inimitable avec laquelle il parloit et écrivoit sur les sujets qui en sont capables. Il est vray que la connoissance particuliere qu’ils ont eu de l’esprit de Monsieur Pascal leur y fait découvrir plusieurs choses qui ne seront pas apperceuës par ceux qui ne l’ont pas connu comme eux : on croit neanmoins que toutes les personnes habiles y remarqueront une adresse à mettre les choses dans leur jour qui n’est pas commune, et qu’ils reconnoistront facilement que cette clarté extraordinaire qui paroist dans ces écrits vient de ce qu’il concevoit les choses avec une netteté qui luy estoit propre.

Que s’ils portent cette veüe plus loin, et qu’ils se representent ce que pouvoit produire une lumiere et une penetration d’esprit admirable, jointes à une abondance prodigieuse de pensées rares et solides, et d’expressions vives et suprenantes lors qu’il avoit pour objet, non des speculations peu utiles, comme celles de ces deux Traitez, mais les plus grandes et les plus hautes veritez de nostre religion, ils se pourront former quelque idée de ce qu’eût pu faire M. Pascal, s’il eût vécu plus long temps, dans les ouvrages qu’il s’estoit proposé de faire[1], et dont il n’a laissé que de legers commencemens qui ne laisseront pas d’estre admirez si on les donne jamais au public.

  1. Ce pluriel est remarquable. Les fragments qui ont formé depuis les Pensées étaient-ils destinés à plusieurs ouvrages, par exemple à une Défense de la Religion contre les Libertins et à une Doctrine de l’Église contre les Jésuites ?