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TRAITÉ DE LA PESANTEUR DE LA MASSE DE L’AIR

l’eau. Il ne fait pour cela que se remettre en memoire ce que j’ay dit dans l’Equilibre des liqueurs (Figure XIV), qu’un soufflet dont le tuyau est long de vingt pieds ou plus, estant mis dans une cuve pleine d’eau, en sorte que le bout du tuyau sorte hors de l’eau, il est difficile à ouvrir, et d’autant plus qu’il y a plus de hauteur d’eau ; ce qui vient manifestement de la pesanteur de l’eau qui est au dessus ; car quand il n’y a point d’eau, il est tres aisé à ouvrir ; et à mesure qu’on y en verse, cette resistance augmente, et est toujours égale au poids de l’eau qu’il porte, parce que, comme cette eau n’y peut entrer à cause que le tuyau est hors de l’eau, on ne sçauroit l’ouvrir sans soûlever et soûtenir toute la masse de l’eau ; car celle qu’on écarte en l’ouvrant, ne pouvant pas entrer dans le soufflet, est forcée de se placer ailleurs, et ainsi de faire hausser l’eau, ce qui ne se peut faire sans peine ; au lieu que s’il estoit crevé, et que l’eau y peust entrer, on l’ouvriroit et on le fermeroit sans resistance, à cause que l’eau y entreroit par ces ouvertures à mesure qu’on l’ouvriroit, et qu’ainsi en l’ouvrant on ne feroit point soulever l’eau.

Je ne crois pas que personne soit tenté de dire que cette résistance vienne de l’horreur du vuide, et il est absolument certain qu’elle vient du seul poids de l’eau.

Or ce que nous disons de l’eau se doit entendre de toute autre liqueur ; car si on le met dans une cuve pleine de vin, on sentira une pareille résistance à