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TRAITÉ DE LA PESANTEUR DE LA MASSE DE L’AIR

Enfin, on peut faire la mesme chose avec un simple tuyau, sans qu’il soit recourbé, pourveu qu’il soit fort étroit par en bas : car s’il est bouché par en haut, l’eau y demeurera suspenduë ; au lieu qu’elle en tomberoit avec violence, si on débouchoit le bout d’en haut.

C’est ainsi qu’un tonneau plein de vin n’en lâche pas une goûte, quoy que le robinet soit ouvert, si on ne débouche le haut pour donner vent.

V. Si l’on remplit d’eau un tuyau fait en forme de croissant renversé, ce qu’on appelle d’ordinaire un siphon, dont chaque jambe trempe dans un vaisseau plein d’eau, il arrivera que si peu qu’un des vaisseaux soit plus haut que l’autre, toute l’eau du vaisseau le plus élevé montera dans la jambe qui y trempe jusques au haut du siphon, et se rendra par l’autre dans le vaisseau le plus bas où elle trempe ; de sorte que si on substitue toûjours de l’eau dans le vaisseau le plus élevé, ce flux sera continuel.

On pretend que cette élevation d’eau vient de l’horreur que la nature a du vuide, qui arriveroit dans le siphon, si l’eau de ces deux branches tomboit de[1] [chacun] dans son vaisseau, comme elle y tombe en effet quand on fait une ouverture au haut du siphon par où l’Air s’y peut insinuer.

Il y a plusieurs autres effets pareils que j’obmets à cause qu’ils sont tous semblables à ceux dont j’ay parlé, et qu’en tous il ne paroist autre chose, si-

  1. Éd. de 1663 : chacun.