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ŒUVRES

Car la douleur que nous sentons, quand quelque chose nous presse, est grande, si la compression est grande ; parce que la partie pressée est épuisée de sang, et que les chairs, les nerfs, et les autres parties qui la composent, sont poussées hors de leur place naturelle, et cette violence ne peut arriver sans douleur. Mais si la compression est petite, comme quand on effleure si doucement la peau avec le doigt, qu’on ne prive pas la partie qu’on touche de sang, qu’on n’en détourne ny la chair, ny les nerfs, et qu’on n’y apporte aucun changement ; il n’y doit aussi avoir aucune douleur sensible ; et si on nous touche en cette sorte en toutes les parties du corps, nous ne devons sentir aucune douleur d’une compression si legere.

Et c’est ce qui arrive aux animaux qui sont dans l’eau ; car le poids les comprime à la verité, mais si peu que cela n’est aucunement perceptible, par la raison que nous avons fait voir : si bien qu’aucune partie n’estant pressée, ny épuisée de sang, aucun nerf, ny veine, ny chair, n’estant détournez (car tout estant également pressé, il n’y a pas plus de raison pourquoy ils fussent poussez vers une partie que vers l’autre), et tout enfin demeurant sans changement, tout doit demeurer sans douleur et sans sentiment.

Et qu’on ne s’étonne pas de ce que ces animaux ne sentent point le poids de l’eau ; et que neanmoins ils sentiroient bien si on appuyoit seulement le doigt dessus, quoy qu’on les pressât alors avec