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TRAITÉ DE L’ÉQUILIBRE DES LIQUEURS

Récit de la grande Expérience de l’Équilibre des Liqueurs. Toutefois, il semble bien que Pascal ne soit arrivé que par degrés à tirer parti de cette généralisation pour bouleverser l’ordre de sa démonstration, et pour étendre le cadre de ses recherches aux phénomènes de l’hydrostatique. L’allusion que contient la Muse historique de Loret pourrait sans doute être précisée dans ce sens. Dans les premiers mois de 1652, Pascal se serait occupé d’expériences sur les liquides[1]. D’autre part il n’est pas défendu de penser que le changement dans la manière de l’écrivain correspondrait aux influences nouvelles qui se sont exercées sur lui après la mort de son père. L’honnête homme de la génération précédente, au milieu de laquelle a vécu Pascal, se caractérise par son attachement au droit, mais aussi par la susceptibilité avec laquelle il va au-devant de toute allusion blessante ou offensante, par l’ardeur avec laquelle il entreprend et soutient la lutte pour la défense de ce qui lui est dû[2]. L’honnête homme de la génération nouvelle se distingue au contraire par l’application qu’il met à se détacher de ce que nous appellerions aujourd’hui le moi social, à se placer au-dessus de toute vanité de métier, à prévenir et à effacer tout ce qui, aux yeux du monde et à ses propres yeux, laisserait paraître la trace du « pli professionnel ». Au Pascal de la lettre à M. de Ribeyre, qui s’efforce d’établir « exactement et separement ce qui est de l’invention de Galilée, ce qui est de celle du grand Toricelli, et ce qui est de la [sienne] » s’oppose le Pascal de la « période mondaine », pour qui la concision du style, l’impersonnalité de l’œuvre sont des signes d’élégance morale. Il a peut-être appris du chevalier de Méré à écrire un Traité de physique sur le modèle des Commentaires de César.

C’est donc ce nouveau Traité que Pascal était à la veille d’imprimer en 1654, comme il était à la veille d’imprimer

  1. Vide supra, p. 24.
  2. Vide supra, t. II, p. 62.