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ŒUVRES

est aysé de voir que la délicatesse est un don de nature, et non pas une acquisition de l'art.

A mesure que l'on a plus d'esprit, l'on trouve plus de beautez originales[1] ; mais il ne faut pas estre amoureux, car quand l'on ayme l'on n'en trouve qu'une.

Ne semble il pas qu'autant de fois qu'une femme sort d'elle mesme pour se caractériser dans le cœur des autres, elle fait une place vuide pour les autres dans le sien? Cependant j'en connois qui disent que cela n'est pas vray[2] . Ozeroit[3] on appeler cela[4] injustice? Il est naturel de rendre autant[5] que l'on a pris.

L'attachement à une mesme pensée fatigue et ruyne l'esprit de l'homme. C'est pour quoy pour la solidité et la [6]durée du plaisir de l'amour, il faut quelquesfois ne pas sçavoir que l'on ayme ; et ce n'est pas commettre une infidélité, car l'on n'en ayme pas d'autre ; c'est reprendre des forces pour mieux

  1. Cf. le manuscrit des Pensées, f° 213, Sect. I, fr. 7 : « A mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes... »
  2. Ne trouve-t-on pas dans cette phrase une indication suffisamment précise sur la manière dont ce discours a été composé ? Pascal y réuni[sic] quelques définitions ou maximes qu'il a proposées dans certains salons il nous transmet l'écho des réponses et des réflexions qu'elles ont provoquées.
  3. On omis dans G.
  4. Cela, c'est le fait de ne pas laisser une place pour les autres dans son cœur quand on en a pris une dans celui des autres. C'est cela qui est contre la nature et qui est injuste
  5. C : qu'on.
  6. Mot laissé en blanc dans C.