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pouvoit rien adjouter à Taffection que j'avois pour elle ; mais au lieu qu'en ce temps elle se tournit tout au soin et au désir que j'avois de sa vie, qui m'a esté tou- jours, comme à présent, beaucoup plus chère que la mienne propre, je ne pense à cette heure sur toutes cho- ses qu'à son salut. C'est pour quoy, quelque violente que soit ma douleur et la crainte et l'émotion oiî je suis à toute heure qu'on me vienne porter cette nouvelle, qui fait que des qu'on me regarde pour me parler il me prend un tremblement tel que je ne me puis soutenir ; neant- moins, quand je rentre en moy mesme, et que je consi- dère la misère et les périls de cette vie, surtout pour une personne engagée dans le monde, je ne puis m'empescher de m'accuser de m'aymer plus qu'elle, en désirant ce qui m'est utile et non pas à elle ; et tout ce que je demande à Dieu de tout mon cœur, et à quoy tendent surtout toutes mes prières, c'est qu'il luy plaise donner la vie de la grâce à l'enfant, et qu'il fasse faire à la mère un bon usage de sa maladie * ; qu'il la détache de toutes choses ; qu'il luy fasse oublier tout ce qu'elle laisse pour ne penser plus qu'au bonheur qui l'attend, qui doit emporter toutes ses pensées, et la ravir de telle sorte qu'elle en soit entiè- rement occupée. Si son mal est trop violent, faisons le pour elle, je vous en prie : protestons à Dieu du cœur et de la bouche que, comme nous ne desirons que luy pour nous mesmes, nous ne demandons autre chose pour ceux qui nous sont plus chers que nous mesmes. C'est encores un des sujets continuels de la prière que je fais à Dieu dans ma douleur, qu'il luy plaise nous faire la grâce à vous et à moy de lui estre entièrement fidelles en cette

��I. C'est le titre même de la prière que Biaise Pascal composa, pro- bablement, dans les dernières années de sa vie. Vide supra, t, I, p. 83.

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