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pour la nostre, par[1] la prevoyance des besoins et des utilitez que nous aurions de sa présence.

C’est moy qui y suis le plus interessé. Si je l’eusse perdu il y a six ans, je me serois perdu, et quoyque je croye en avoir à présent une nécessité moins absolue, je sais qu’il m’auroit esté encore necessaire dix ans, et utile toute ma vie. Mais nous devons esperer que Dieu l’ayant ordonné en tel temps, en tel lieu, et[2] en telle maniere, sans doute c’est le plus expedient pour sa gloire et pour nostre salut.

Quelque estrange que cela paroisse, je crois qu’on en doit estimer de la sorte en tous les evenemens, et que, quelque sinistres qu’ils nous paroissent, nous devons esperer que Dieu en [3]tirera la source de notre joye si nous luy en remettons la conduite.

Nous connoissons des personnes de condition qui ont appréhendé des morts domestiques que Dieu a peut estre destournées à leur priere, qui ont esté cause ou occasion de tant de miseres, qu’il seroit à souhaiter qu’ils n’eussent pas esté exaucés.

L’homme est assurément trop infirme pour pouvoir juger sainement de la suitte des choses futures. Esperons donc en Dieu, et ne nous fatiguons pas par des prevoyances indiscrettes et temeraires. Remettons nous à Dieu pour la conduite de nos vies, et que le desplaisir ne soit pas dominant en nous.

  1. La prevoyance, leçon de G, au lieu du pluriel.
  2. Et dans G seulement.
  3. G retirera.