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FRAGMENT TIRÉ DU MANUSCRIT DES PENSÉES


part. I, l. 2, c. i, s. 4[1].


[Conjecture. Il ne sera pas difficile de faire descendre encore un degré et de la faire paroistre ridicule. Car pour commencer en elle-mesme][2] qu’y a t il de plus absurde que de dire que des corps inanimez ont des passions, des craintes, des horreurs ?[3] que des corps[4] insensibles, sans vie et mesme incapables de vie ayent des passions, qui presupposent une ame au moins sensitive pour les ressentir ? de plus[5] que l’objet de cette horreur[6] fut le vuide ? Qu’y a-t-il dans le vuide qui leur puisse faire peur[7] ? Qu’y a-t-il de plus bas et plus ridicule ? Ce n’est pas tout[8] : qu’ils ayent en eux-mesmes un principe de mouvement pour eviter le vuide, ont ils des bras, des jambes, des muscles, des nerfs[9] ?

  1. Bibliothèque Nationale Ms f. fr. 9 202, fo 393. Cf. notre fac simile de l’original des Pensées, et notre édition des Pensées, 1904, t. I, p. 96. — Les indications placées en face des fragments concordent avec la division du Traité du Vide dans les fragments précédents.
  2. [Car].
  3. [des despits].
  4. [Inanimez] insensibles [morts, et qui ne les].
  5. [pourquoy est ce qu’ils ont de [leur assigne-t-on de cette].
  6. [on dit que le].
  7. [Il n’y a rien du tout] un espace… [Ils ont donc peur de rien].
  8. [Leur horreur serait sans effet s’ils manquent de forces pour l’exécuter ; aussy on leur en assigne et de tres puissantes. On dit que non seulement ils ont peur du vuide, mais qu’ils ont faculté de l’eviter se mouvoir pour l’éviter].
  9. Voir ci-dessous la Conclusion des Traités publiés en 1663, t. III, p. 254.