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LETTRE D'ETIENNE PASCAL AU P. NOËL 27i

vertu, et, au contraire, tenir la plénitude pour un infâme crime ; et sur ces beaux fondements bastir une autre allégorie toute pareille à la vostre. Il pourroit introduire un chevallier métaphorique qui se presenteroit les armes en la main devant S. A., pour desfendre l'Intégrité de la Nature contre la plume du Père Noël, qui, soubz prétexte de la justisfier du crime prettendu de vuide (qu'il soutien- droit, au contraire, estre la plus eminente de ses vertus) l'a injurieusement accusée de celuy d'une plénitude si monstrueuse, qu'elle en crevé de toutes parts. Il feroit (en continuant l'allégorie) que ce cavalier poseroit les armes par le commandement de Son Altesse, qu^il se metamor- phoseroit, comme vous, en avocat advouânt métaphori- quement ^our justisfier la nature ; ilparleroit hautement de V imposture des tesmoings qu'on luy oppose ; il diroit que la matière subtile, la matière ignée, la sphère du feu, VMther, les esprits solaires, et la légèreté mouvante, sont tous faux tesmoings, de la fausse déposition desquels le Père Noël prettend se servir pour faire le procez à cette vertueuse dame, prenant la hardiesse (ce que personne n'avoit encores osé) de luy confronter tous ces imposteurs, gens de néant, gens incogneus au ciel et à la terre, et contre lesquels toutesfois la pauvre dame ne pourra, dans la confrontation, alléguer d'autres reproches, sinon qu'elle, qui a tout produit et qui cognoist toutes choses, ne les cognoist point et ne les cognent jamais. Alors il auroit aussy bonne grâce que vous à demander justice de toutes ces calomnies à S. A., laquelle, considérant que ny le vuide, ny la plénitude, ne sont ny perfection, ny imper- fection, ny vice, ny vertu, ny crime, ny injure à la nature, mettroit sans doute les parties hors de cour et de procez. Je vous supplie très humblement, mon père, et tous ceux qui verront ce discours, de s'asseurer que je n'ignore

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